Aujourd’hui, je vous parle d’amour et d’amitié. Ce sont pour moi les deux choses les plus belles et les plus importantes dans la vie.
Sans elles, tout perd son sens et sa valeur!
Alors suivez-moi, car je vous emmène à la rencontre des couples célèbres de l’art contemporain.
Mais, exit les cancans et les histoires charnelles entre les artistes de renom car je vais vous parler de leur manière de coordonner leur art. En effet, je souhaite me concentrer sur les duos d’artistes qui sont pour moi les plus emblématiques de l’art contemporain.
La création à deux, c’est l’occasion de dépasser les limites imposées par un esprit unique. C’est également un moment de rencontre riche, unique et spécial. De celles-ci naissent des œuvres impressionnantes et significatives car le fait de créer à deux, c’est se donner de nouvelles possibilités.
La dimension collective de ce travail permet une émulation et un enrichissement constant de la création. Elle ne connaît plus les limites habituelles du travail de l’artiste solitaire et son champ d’action devient infini.
Claude Cahun et Marcel Moore
La fusion
Je vais commencer cet article par deux artistes pionnières, empreintes de surréalisme. Il s’agit de Claude Cahun, née sous le nom de Lucy Schwob et Marcel Moore née Suzanne Malherbe. Elles sont nées respectivement en 1894 et 1892 et leur rencontre n’est pas anodine. Elles ont seulement 17 ans et 14 ans lorsque l’évidence se fait. Une relation fusionnelle, forte et créatrice se noue.
On ne peut pas considérer l’une sans l’autre car elles se complètent l’une et l’autre. Elles sont l’une pour l’autre, un autre moi, un reflet dans le miroir. Leur pratique varie de la peinture à l’écriture en passant par l’illustration et surtout la photographie, mais encore par la Résistance. En effet, Claude Cahun s’est engagée durant l’entre-deux-guerres en politique, puis dans la Résistance pendant l’occupation allemande.
Le double, l’identité et le genre en questions
Quasi inconnues de leur vivant, l’oeuvre est redécouverte à la fin des années 1980. Leur histoire marque l’histoire de l’art du 20ème siècle. Leur démarche collaborative à quatre mains est TRÈS novatrice pour l’époque.
La question du double à la frontière entre le masculin et le féminin émerge sans cesse dans leurs écrits et ce tout particulièrement dans leur premier travail commun.
Ils s’agit de Vues et vision, un recueil de poésies en prose et de dessins. L’esthétique se démène entre symbolisme, modernisme et surréalisme. La première édition se fait en 1914 dans la revue Le Mercure de France.
Vues et Vision – 1914 – Claude Cahun et Marcel Moore
Elles sont des pionnières, puisque dès les années 1910 puis 1950, elles ont via leurs photographies, performé le genre. En effet, elles ont mis en scène le genre féminin et masculin et l’ont déconstruit.
Cette réflexion est d’ores et déjà visible dans le choix de leurs noms qui sont masculins. D’autre part, les photos montrent Claude Cahun avec des cheveux très courts voire parfois rasés. Ainsi, on ne peut pas déterminer si le sujet photographique est un homme ou une femme.
Elles mènent donc une réflexion sur l’identité de genre et ce, 30 ans avant la publication du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir publié en 1949.
Ainsi, parce qu’elles amorcent une réflexion aussi précoce que novatrice sur la construction sociale du genre, elles sont pour moi le premier couple célèbre de l’art contemporain.
Claude Cahun, Self portrait (reflected in mirror), ca. 1928 © Jersey Heritage Trust
Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely
Un amour monumental
Si je vous dis la Fontaine Stravinsky à Paris ?
Vous me répondez ?
Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely ! En effet, cette artiste française est née en 1930. Elle travaille en collaboration avec son époux suisse Jean Tinguely né en 1925. Son nom évoque ses drôles de sculptures faites de roues et de ferraille. L’ensemble est un monument.
Le travail des deux artistes résulte d’un amour sans bornes et d’une capacité extraordinaire et collaborer et se compléter. La fontaine permet de mettre en valeur les sculptures de Niki de Saint Phalle animées par celles de son mari. L’ensemble est créé dans le cadre du budget de la création du Centre Pompidou. La ville de Paris en est la propriétaire.
Fontaine Stravinsky – 1983 – Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely – Marais-Louvre
Une collaboration amicale puis amoureuse
Les deux artistes collaborent avant même d’officialiser leur relation intime et amoureuse. Ce partage artistique est néanmoins discret car leur collaboration se fait de manière discrète. Néanmoins, derrière chaque œuvre de Niki de Saint Phalle se trouve des idées de Jean Tinguely et vice versa. On devine leurs échanges, leur passion pour l’art et leur amour.
C’est le cas notamment dans l’une de mes oeuvres préférée du couple : la carte de la Justice dans le Jardin des Tarots de Niki de Saint Phalle.
Le Jardin des Tarots est une oeuvre monumentale située dans le village de Capalbio en Toscane. Il met en scène les arcanes du tarot marseillais et a été réalisé entre 1979 et 1993.
En bas de la sculpture qui représente la Justice, on trouve une petite grille derrière laquelle se dévoile une sculpture mécanique signée Jean Tinguely. Sur le sentier est écrit de la main de Niki de Saint Phalle :
Jean Tinguely a piégé l’injustice à l’intérieur de la justice et a fermé la porté à clef.
Vue de la Justice dans le Jardin des Tarots de Niki de Saint Phalle
Christo et Jeanne Claude
Du gigantisme à l’éphémère
On évoque rarement le nom complet de Christo. Ni même le fait qu’il travaillait avec sa femme, leur nom d’artiste complet étant Christo et Jeanne-Claude. Christo Vladimiroff Javacheff et Jeanne-Claude Denat de Guillebon sont tous les deux nés le 13 juin 1935. Lui en Bulgarie, elle au Maroc. Le destin semble s’être occupé d’eux de bout en bout. On reconnaît leur travail pour son gigantisme. Mais aussi pour sa manière particulière de tout emballer, tout en surprenant.
Le célèbre couple a toujours travaillé conjointement, dans le but d’impressionner le public. Par exemple, emballer un monument tel que le Pont-Neuf reste un travail d’envergure. Il leur aura fallu près de 10 ans de préparation pour un événement express.
Emballage du pont Neuf du 22 septembre au 7 octobre 1985 – Christo et Jeanne-Claude – Crédits : Eye Ubiquitous/Universal Images Group
Voiler pour mieux dévoiler
Leur manière d’agir, cacher, dissimuler, modifier l’apparence des choses peut en révèle plus que prévu. Révéler en cachant c’est la ligne directrice du couple. D’emblée le rapport avec le monument change dès lors qu’il est recouvert. On porte alors un nouveau regard sur ce qu’il y a devant nous au quotidien. C’est toute une manière de redécouvrir l’environnement – ordinaire – qui nous entoure. Il s’agit de transfigurer le banal.
Anne et Patrick Poirier
Un travail commun sur la mémoire
Anne et Patrick Poirier sont nés en France respectivement en 1941 et 1942. Leur œuvre commune émerge dans les années 1960. Elle se concentre sur un travail de la mémoire, dans le but de questionner l’individualité, son existence et sa raison d’être.
Leurs travaux se traduisent sous la forme de grandes maquettes qui sont très souvent des installations. Elles sont le reflet de leurs années de recherches et de voyages. Depuis toujours, ils ne cessent d’arpenter le monde à la recherche des civilisations et de leurs histoires.
Leur œuvre qui est d’une très grande diversité fait leur force. Elle est si multiple qu’il est difficile d’en trouver une ressemblante. Ils s’attachent à démontrer la fragilité de notre monde et sa substance même que d’être volatile et éphémère.
Archéologues et architectes
Ils refusent de se voir attribuer le nom d’artistes. Au contraire, ils préfèrent être considérés comme des archéologues et des architectes. On pourrait presque ajouter des anthropologues. Par leurs quatre mains ils reconstruisent le passé et le modulent au gré de leurs découvertes. L’expérience du couple est inouïe de par sa multiplicité de voyages et d’aventures.
En fin de compte, ils se rapprochent davantage des sciences humaines que de l’art en lui-même. La nécessité de créer et de valoriser le passé est saisissante et fondamentale. Il ne fait nul doute que la mémoire est pour eux essentielle en ce qu’elle se pose une lutte contre l’oubli.
Exotica – 2000 – Anne et Patrick Poirier – Deidi von Schaewen
Gilbert & George
Un duo haut en couleur
Gilbert et George sont deux artistes plasticiens britanniques qui vivent et travaillent à Londres. Gilbert Prousch est en réalité italien, né dans les Dolomites en 1942. Son confrère George Passmore voit le jour en 1943 à Plymouth, c’est un pur britannique. Le travail du duo est facilement reconnaissable par sa propension à la couleur. C’est au début des années 1970 qu’ils commencent un réel travail sur le montage photographique. Une dizaine d’années plus tard leur technique est définitivement élaborée.
Elle s’appuie sur des couleurs vives, un vitrail noir caractéristique des œuvres ainsi qu’une mise en scène très graphique.
La performance du gin
Il est toujours intéressant de rappeler les débuts des artistes. Pour ce célèbre couple de l’art contemporain, il s’agissait avant tout de performances. Ils se font d’abord connaître ainsi. Ce qui les lance c’est The Singing Sculpture en 1970. Ils sont alors étudiants et se connaissent depuis 3 ans via leurs études à la Saint Martins School de Londres. C’est alors le début d’un coup de foudre.
La performance initiale les met en scène, couverts de peinture dorée, debout sur une table. Ils miment ainsi pendant des heures durant la chanson Underneath the Arches de Flanagen et Allen.
Elle traite de clochards soûlards qui s’accommodent de leur mode de vie, du temps qui passe et donc de la condition humaine. Par la suite, ils produiront d’autres performances tout en étant totalement ivres.
Art for all
Gilbert et George c’est aussi une libération totale de la pensée. Ils mettent en avant la sexualité qui est une constituante essentielle de notre quotidien. Leurs œuvres traitent de sujets divers et variés tels que l’argent, le sexe, la religion, et la société.
Le but de ce couple est de créer un art pour tous. Comme moi, ils en ont assez des barrières guindées et condescendantes que peuvent porter l’art.
Ils ouvrent les portes, cassent les codes, prennent les clés et se barrent avec.
Ce slogan, cette idée de l’art pour tous « Art for all » traduit un ras-le-bol de l’art élitiste et mondain.
Fates – 2005 – Gilbert and George
Paul McCarthy et Mike Kelley
Âmes sensibles s’abstenir !
Je vous ai déjà parlé de Paul McCarthy dans mon article consacré à Noël.
Vous l’aviez compris, l’artiste affectionne la provocation. Mike Kelley est, pour sa part, né en 1954. Ses œuvres sont plus douces, presque enfantines par l’usage des peluches ; néanmoins elles restent lourdes de sens en bien des points.
En 1992, Paul McCarthy et Mike Kelley sont invités pour une exposition d’artistes californiens en Autriche. C’est dans l’espace de la galerie Krinzinger à Vienne qu’ils construisent d’un côté, un chalet typique de l’image folklorique autrichienne, et de l’autre, la façade de l’American Bar de Vienne, lieu de prédilection des expatriés. Dans ce décor, qui marque la rencontre des clichés culturels de la Californie et de l’Autriche, ils vont mettre en scène en 6 chapitres, les personnages de la célèbre série Heidi de Johanna Spyri.
Heidi
Il faut savoir que l’histoire d’Heidi dans le bucolique Tyrol a servit d’image d’Epinal pour redorer le blason de l’Autriche post fasciste. Cette image stéréotypée, ce sont les Alliés dont les États-Unis qui l’ont construite.
L’Autriche finira par reconnaître sa responsabilité dans les crimes nazis en 1993 soit un an après la mise en scène sordide d’Heidi par le duo d’artistes qui doit être appréhendé comme un signe de protestation contre le déni et l’oubli.
Les 6 chapitres vont être remaniés par le détournement des personnages. Son grand-père devient un gros pervers et un garçon de son entourage un attardé mental. S’en suivent des mises en scène cruelles et perverses. La réinterprétation est totale.
Le détournement du conte d’enfants fait presque froid dans le dos. Il rappelle les vraies fins des contes de Charles Perrault ! Des histoires glauques, nauséabondes, bien loin de l’image bien aseptisée qu’en a fait Disney. Justement, les deux américains cherchent à dénoncer l’image idéalisée de l’Autriche – réelle perversion.
Heidi – 1992 – Paul McCarthy et Mike Kelley – Kieran Fischer
Marina Abramović et Ulay
La performance comme état limite
Venons en à mon duo artistique préféré! Leur histoire est aussi belle qu’émouvante. L’oeuvre quant à elle est d’une grande force et d’une grande richesse tant sur le plan plastique que théorique.
Marina Abramovic est née en 1946 en Serbie et elle est une pionnière de la performance historique. Je lui consacrerai un article afin de vous parler de l’intégralité de sa pratique que j’affectionne sincèrement.
Elle forme à partir de 1975 un duo artistique avec son compagnon Ulay. Il est né en 1943 en Allemagne et a d’abord une pratique de la photographie. C’est ainsi, qu’il documentera leurs performances communes.
Pour résumé très succinctement, tous deux testent dans leurs actions les notions de tension et de résistance tant physiques que psychologiques au sein d’un couple.
Ainsi, ils mettent en scène des états limites.
Rest energy – 1980 – Marina Abramović et Ulay
C’est le cas par exemple dans Rest Energy de 1980. Ici, le couple se met face à face en tenant un arc tendu entre eux. L’arc est chargé d’une flèche dirigée sur le cœur de Marina Abramović. Si l’un des deux lâche la tension, la flèche part dans sa poitrine.
Durant toute la durée de la performance, des micros enregistrent leurs respirations et les battements de leurs cœurs.
Ainsi, le spectateur se trouve en présence d’une charge émotionnelle très forte qui va crescendo, via l’enregistrement sonore. En effet, ce dernier vient augmenter la tension présente entre les deux artistes aussi bien que chez le spectateur.
La plus belle rupture…
En 1988, pour leur dernière performance à deux, Marina Abramović et Ulay, décident de rompre après un long périple sur la Muraille de Chine. Chacun part d’un bout opposé de la Muraille et parcourt les 4000 kilomètres qui les séparent, pour se rejoindre au milieu. Après trois mois de marche à la rencontre de l’autre, ils se retrouvent enfin, s’enlacent, puis se séparent définitivement.
Cette séparation survient après 12 ans de collaborations amoureuses et artistiques.
En 1980, Marina et Ulay décident de marcher sur la muraille de Chine, séparément, chacun partant à l’autre bout de la muraille, pour se rejoindre au milieu. Cette performance est censée symboliser les retrouvailles d’un couple amoureux. Mais le gouvernement chinois tarde tant pour leur donner l’autorisation, le voyage ne s’organise que 8 ans après l’initiative. À ce moment-là leur couple est en pleine rupture.
Malgré tout, ils ne modifient pas leur plan. Comme prévu, ils réalisent cette performance en marchant pendant 3 mois sur les 4000 km de muraille qui les séparent.
À l’instant où ils se rencontrent, ils s’enlacent, puis se quittent, définitivement. Chacun repart dans la vie, de son côté.
The lovers – 1988 – Marina Abramović et Ulay
Le geste est fort et je trouve absolument magnifique.
En effet, après 12 ans d’amour, chacun passe 3 mois à marcher dans un unique but : aller à la rencontre de l’autre pour lui dire au revoir. Autrement dit, il s’agit de 3 mois d’introspection pour se souvenir de cet amour. Penser aux bons comme aux mauvais moments et régler les contentieux. Ces 3 mois là laissent le temps de faire la paix avec l’autre mais surtout avec soi-même afin de se quitter en paix.
…et les plus belles retrouvailles
Attention préparez vos mouchoirs!
En 2010, Ulay, se rend au MoMA de New York où Marina Abramović donne une nouvelle performance intitulée The Artist is Present.
Deux chaises en bois séparées d’une table sont installées en face à face, l’une pour l’artiste, l’autre pour les participants. Ceux-ci s’y succèdent pour un échange d’une minute, fixant l’artiste yeux dans les yeux en silence.
Parmi ces visiteurs se cache Ulay, qu’elle n’avait plus vu depuis leur dernière performance, sur la Grande Muraille de Chine, vingt ans plus tôt. Leur retrouvaille émouvante, sans un mot, n’est pas passée inaperçue et m’a littéralement bouleversée.
Ulay est décédé le 2 mars 2020 et Marina Abramović, à travers le magazine Artforum, a souhaité rendre public un dernier hommage à son ancien compagnon.
Nouvelle séquence émotion par ici.
Pierre et Gilles
La sacralité revisitée
Pierre et Gilles c’est un couple d’artistes composé de Pierre Commoy né en 1950 et Gilles Blanchard en 1953. Ils appartiennent au courant que l’on appelle la photographie plasticienne. Depuis le début des années 1980, ils photographient et subliment les stars telles que Stromae, Sylvie Vartan ou encore Madonna. Leurs sujets sont également leurs proches ainsi que des anonymes. La spécificité de leur travail réside dans la mise en scène.
Elle s’inspire des idoles religieuses, mêlant iconographie pieuse et culture populaire. Frôlant le kitsch et le ridicule, tout en flirtant avec le glamour, le couple d’artistes n’en a jamais assez et en fait toujours plus. Peut-être trop?
La fabrique des idoles
L’ensemble de leurs travaux migre dans ce qu’ils appellent La fabrique des idoles. L’exposition a eu lieu du 20 novembre 2019 au 23 février 2020 à la Philarmonie de Paris. Elle permet de découvrir l’univers de Pierre et Gilles. Le couple exposait plus d’une centaine d’œuvres, dont certaines en exclusivité totale. Le couple exprime non seulement son amour de la photo, mais aussi celui de la musique. La majorité des tableaux concerne des stars du hit-parade ainsi que du monde cinématographique. Leur travail ne s’arrête pas aux tableaux. Au contraire, on leur commande des pochettes d’albums, des affiches de film…
Affiche La Fabrique des Idoles – Pierre et Gilles – du 20 novembre 2019 au 23 février 2020
Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat
Une aventure artistique
C’est en 1982 que les deux hommes se rencontrent. Le premier a 54 ans et le second seulement 22. Leur relation fait l’objet de nombreuses histoires qui entretiennent une certaine mystification. Elle est compliquée, se termine difficilement, mais elle est surtout un havre de création et d’échange. Ils créent près de 200 tableaux à quatre mains. La collaboration a principalement lieu entre 1984 et 1985. Basquiat s’initie à la sérigraphie tandis que Warhol reprend goût à la création.
Le plus jeune entre désormais dans la cour des grands et se forge un nom. Bien que certains reprochent à Warhol le fait de s’accaparer le jeune prodige.
Si vous souhaitez en découvrir davantage sur l’immense artiste qu’est Andy Warhol je vous invite à ma conférence ! Elle aura lieu le 8 avril 2021.
Le questionnement culturel
Cette collaboration est prolifique et intense. Elle permet notamment à Basquiat d’aborder des questions de culture populaire, un thème qu’il reprendra dans ses œuvres personnelles. Leur amitié fusionnelle se devine dans leurs travaux communs. Ils proposent deux dimensions dans une seule œuvre, comme deux niveaux de lecture différents.
Une interview de Basquiat révèle que Warhol commençait les tableaux et que Basquiat venait peindre dessus. Ce travail à double échelle est précieux. Il révèle l’aspect prolifique de leur association et de leur relation.
Basquiat sera profondément affecté par le décès de Warhol en 1987 et il meurt un an après en 1988.
Dos Cabezas – 1982 – Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol
Les frères Chapman
L’inspiration espagnole
Nés en 1962 et 1966 Dinos et Jake Chapman sont deux frères et artistes plasticiens qui travaillent et vivent à Londres. Ils débutent leur carrière en étant les assistants de Gilbert & George dont j’ai parlé plus tôt.
Leur travail est grandement inspiré de Francisco de Goya pour qui ils ont envisagé de changer leur nom. Les gravures Désastres de la guerre réalisées entre 1810 et 1815 sont à l’origine d’un réel traumatisme chez les deux frères. L’horreur viscérale de la guerre décriée dans ces œuvres témoigne des atrocités perpétrées durant la Guerre d’Indépendance espagnole (1808-1814). Au lendemain du Dos de Mayo, cette guerre atroce fait rage. Elle provoque la perte de près de 400 000 espagnols y compris les miliciens. Ce n’est pas la première fois que Goya s’exerce à la description visuelle de ce drame. Tres de Mayo marque un tournant dans sa carrière.
El tres de Mayo – Goya – 1814
Un art fraternel
Cette provocation insufflée par Goya inspire et anime les deux frères. Ce manifeste incessant anti-guerre les amène à créer en écho aux Désastres de la guerre. Les Chapman le considérait comme « le premier artiste moderniste, le premier qui a eu la profondeur psychologique et politique ». C’est ainsi qu’apparaît en 1993 une recréation de ces Désastres. Un travail qui sera plusieurs fois retravaillé, modernisé et actualisé au fil des années. En 2003 les Frères Chapman acquièrent 80 gravures de Goya, tirées de cette même série. Ils en font des modifications, en remplaçant les têtes par des visages de clowns.
Insulte à la blessure – 2003 – Jake et Dinos Chapman
La mort, la guerre et le gore
L’année suivante, rebelote. Cette fois-ci, ils n’utilisent plus des petits soldats de plomb qu’ils démembrent. Ils passent à l’échelle supérieure et déforment des mannequins en résine. L’ensemble s’intitule Great Deeds – Against the Dead.
La référence est sans conteste une fois de plus celle d’une gravure de Goya. Plus précisément le désastre numéro 39 intitulé Grande hazaña, con muertos. L’œuvre est une fois de plus réutilisée et retravaillée dans Sex I en 2003. Les Chapman utilisent désormais des ossements et créent une scène des plus irréalistes. Un visuel totalement gore et presque anxiogène à contempler.
Sex, I – 2003 – Jake et Dinos Chapman – Olbricht Collection via Pinchuk Art Centre
Ironie morbide
On l’a compris avec Goya, l’ironie au cœur de l’art c’est une des choses les plus jouissives qui soit. L’art se fait critique et cynique. Dans cette optique, les frères produisent une réelle esthétique de l’indifférence, du dégoût et d’un détachement profond. Les thèmes abordés concernent de fait l’humour, mais aussi et surtout l’horreur, comme vous avez pu le constater.
Les œuvres qui suivent ont la particularité de mettre en scène de nombreux organes génitaux. Ils sont disposés, entre autres, sur des visages d’enfants comme pour Fuck Face en 1996. C’est aussi le cas pour Zygotic Acceleration, Biogenetic, De-Sublimated Libidinal Model en 1995.
C’est ainsi qu’on les considère rapidement comme les enfants terribles de l’art contemporain et surtout l’un des couples célèbres de l’art contemporain.
My best couple célèbre de l’art contemporain – actuel
Pour conclure, je souhaite vous parler de mon couple phare de ces 5 dernières années. Il s’agit d’Adrien M et Claire B, deux artistes plasticiens basés à Lyon. Leur travail, que j’ai évoqué dans les idées cadeaux de l’article de Noël, est immersif et met en acte un imaginaire numérique.
J’aime tellement ce qu’ils font, que je vous en parle exclusivement dans l’article de la semaine prochaine !
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