0

À partir de la révolution industrielle, c’est-à-dire de la naissance de la technologie l’homme devient le servant d’une machine. Il ne laisse plus aucune trace de lui-même sur l’outil ou sur l’objet. Ce dernier, devient l’objet d’une machine.

En effet, la révolution industrielle est le phénomène qui fait basculer la société d’alors à dominante rurale et agraire vers une société commerciale et industrielle. Rétrospectivement, on peut parler du début du capitalisme.

Ce processus, précipité notamment par le boom ferroviaire des années 1840-1850, engendre des bouleversements à tous les niveaux de la société. Les domaines de l’agriculture, de l’économie, du droit, de la politique et de l’environnement se trouvent profondément affectés.

Effectivement, on assiste, à un mouvement conséquent des campagnes vers les villes que l’on nomme l’exode rural. Ce dernier ébranle autant l’urbanisme des villes qu’il génère un nouveau rapport au monde et de nouvelles manières de penser.

gare impressionniste

Claude Monnet, Gare Saint-Lazare, 1877

Le passage d’un état à un autre

Ces grands bouleversements vont également affecter l’art, la culture et la représentation. En effet, les artistes vont adopter progressivement une nouvelle attitude face au réel.

Il y a donc une déqualification esthétique de l’ouvrier et en même temps une standardisation de l’objet. Celui-ci n’est pas sans esthétique mais il s’agit d’une esthétique d’un nouveau type : industrielle.

De manière concomitante, idéologiquement et philosophiquement, va se produire « la mort de Dieu » et avec elle, le devenir radicalement profane du monde.

C’est à partir de ce moment de l’histoire des idées que va apparaître la figure de l’artiste. C’est-à-dire, qu’il va signer en son propre nom et ne plus travailler pour personne. Ni pour le pape, ni pour la citée, ni pour un commanditaire mais pour lui-même.

L’art va se substituer à Dieu. Walter Benjamin, parlera en ce sens du pouvoir fétichiste de l’artiste.

art culture révolution tableau

Thomas Hart Benton, Boomtown, 1928

L’industrie culturelle

Mais d’un point de vue artistique, l’invention qui va modifier totalement la manière de représenter est celle de la photographie autour de 1840 puis du cinéma en 1895. Va alors se développer ce qu’appelle Theodor Adorno : l’industrie culturelle. Autrement dit, l’art et la culture deviennent une industrie.

Pour mieux comprendre quelles sont les fonctions de l’art, je vous invite à lire mon article sur ce sujet.

C’est-à-dire que le capitalisme va s’emparer des questions du goût et du beau. C’est lui qui va gérer le problème de l’esthétique et produire du goût. On va alors contingenter les artistes dans les musées et les galeries et en faire un marché spéculatif.

Ce marché est créé par l’élite économique qui a encore besoin de somptuaire qui ne sert à rien.

Mais pour « la masse », la culture c’est la publicité, le cinéma, les grandes marques, les grandes surfaces, etc. C’est ce qu’appelle Gilles Chatelet «vivre et penser comme des porcs ».

art culture cinéma Lumière

Antoine Lumière (1840-1911)

L’essor du cinéma et Hollywood

Justement, le cinéma inventé par les Frères Lumière à Lyon, prend un essor considérable durant l’Entre-deux-guerres. Hollywood, littéralement « bois de houx », est à l’origine un ranch transformé en un grand lotissement à la fin des années 1880. Peu à peu, la population s’y installe ainsi que de nombreuses compagnies de films. Le climat de la Californie, avec ses 350 jours de soleil par an, attire et fascine particulièrement .

Les prémices de la Première Guerre mondiale signent également les débuts de grands acteurs. Charlie Chaplin, Douglas Fairbanks, mais encore Marie Pickford, forgent le cinéma muet. Au lendemain de ce premier conflit, la scène américaine prend largement le dessus. En effet, les films américains profitent de l’affaiblissement des belligérants car l’entrée en guerre des Etats-Unis se fait tardivement, en avril 1917. C’est ainsi que la dominance américaine s’installe peu à peu.

Une exportation rapide

Nathalie Dupont [1], Maître de Conférences en civilisation américaine, rapporte que dès cette date, la part de films américains diffusée en France est de 30,4%. Les films français comptabilisent eux 37% alors qu’ils en représentaient 80%. Ce virement de situation confirmera pour toujours la prééminence du cinéma américain.

En effet, même la crise de 1929 ne changera rien à cet impérialisme naissant. Au contraire, les films américains dominent les marchés. Les Roaring Twenties (les années 1920) qui s’achèvent, complimentent ce mode de vie. Les spectacles, les grandes soirées, les artistes et autres créateurs sont au cœur de ce bouillonnement culturel.

L’influence des Etats-Unis est telle que le mouvement se développe dans les pays européens. Les années folles en France et les Golden Twenties en Grande-Bretagne s’imprègnent de la ferveur américaine. Ainsi, les prémices de l’hégémonie culturelle américaine sont plus que confirmés!

danse art culture

Couple de travestis dansant lors d’une soiree au club homosexuel « L’Eldorado » sur la Motzstrasse à Berlin en 1926. PHOTO / AFP / Leemage

De l’isolationnisme à l’interventionnisme

La puissance économique, militaire et culturelle s’affirme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Tandis que le conflit avec l’URSS ne fait qu’amplifier ce mouvement, les intérêts stratégiques du pays se défendent par le biais des soft powers. Ceux-ci incluent entre autres la musique jazz et les succès du cinéma comme les westerns. L’apogée de ce genre voit le jour avec l’âge d’or des studios hollywoodiens. Je parle ici, en gros, des années 1920 à 1960 avec les westerns, les comédies musicales, les films noirs et les péplums.

Pour plus de précisons sur ces questions, je vous conseille la lecture de cet ouvrage.

John Wayne et Gary Cooper sont alors des icônes de la représentation cinématographique de la Conquête de l’Ouest. Les paysages mythiques du Far West deviennent des objets de fascination grâce aux films désormais en couleurs.

art culture john wayne film

American actor John Wayne stands by the street sign honouring his name in Prescott, Arizona. ©Fox Photos/Getty Images

Le passage à la couleur

Le Technicolor, procédé qui permet de passer les images en couleur est davantage utilisé à la fin des années trente. Ceci permet la création du premier long-métrage d’animation, Blanche-Neige et les Sept Nains en 1937. Ainsi, Walt Disney commence à devenir une figure majeure du cinéma d’animation.

Le succès est important et grandissant malgré les difficultés contextuelles et historiques. Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale laisse place à la Guerre Froide. Le maccarthysme vient alors frapper les entreprises cinématographiques et les artistes. Pour autant, Walt Disney soutient financièrement les comités de surveillance. Dès lors, la terreur rouge n’a que très peu d’effet sur l’industrie florissante. 1955 devient une année de consécration pour l’homme d’affaires, avec l’ouverture du tout premier parc Disneyland. L’implantation au cœur de la vallée californienne n’est que le début de la création des parcs et de l’hégémonie Disney.

Je vous invite à regarder ce documentaire sur Disney + pour en découvrir davantage.

D’un paysage à un autre

Néanmoins, il convient de préciser que l’évolution des décors cinématographiques des westerns ne met pas toujours le pays en valeur. Il est vrai, le début des années 1960 voit la création d’un genre particulier, le western spaghetti. Ce terme désigne les westerns tournés en Italie. Ils voient également l’ascension d’un acteur majeur, Clint Eastwood. Bien que critiqué par les puristes du western américain, le genre a une influence incroyable sur notre culture actuelle.

Cette influence se veut également politique car le western représente des mythes très forts. Les intrigues sont enracinées dans l’histoire la plus profonde du pays et de sa conquête. Elle caractérise le peuple américain dans ce qu’il a de plus cher et de plus intime. Son ambition éternelle de conquête, tant de territoires que de richesses et connaissances. Cet aspect est constitutif de l’american dream originel.

culture art john wayne

« Et pour quelques dollars de plus » de Sergio Leone, 1965, avec Clint Eastwood (NANA PRODUCTIONS/SIPA)

L’art au service de l’américanisation

Egalement dans le contexte de l’après Seconde Guerre mondiale, l’art américain devient également leader sur la scène internationale. Tout particulièrement l’expressionnisme abstrait. Ce style, s’est développé au cœur du milieu artistique new-yorkais même s’il ne compte pas exclusivement des américains en son sein.

En effet, nombreux d’entre eux sont des européens en exil, ayant fuient l’Europe en guerre. Le rapport physique entre l’artiste et l’œuvre nouent des liens très forts, notamment car de manière inédite, les peintres se mettent à peindre au sol. L’expression et la spontanéité du geste sont au cœur du sujet et les toiles sont généralement entièrement peintes, recouvertes. C’est ce que l’on appelle le all-overJackson Pollock (1912-1956) est l’un des peintres majeurs de cette tendance et il est considéré comme l’un des principaux représentants de l’action painting.

Cette peinture gestuelle est suivie d’une seconde technique, le colorfield, que l’on traduit par champ coloré. Barnett Newman est l’un des représentants les plus importants de cette approche, caractérisé par de vifs aplats de couleurs.

culture art peinture bleu

Barnett Newman, Onement V, 1948. ©COURTESY CHRISTIE’S

Les contours de l’américanisme

Vous comprenez ainsi que les Etats-Unis deviennent une puissance culturelle hégémonique. De telle sorte qu’avec la reconstruction de l’Europe, la France devient formatée.

La culture américaine prend de plus en plus d’ampleur, quitte à oblitérer certains pans de la culture française. En particulier le cinéma français. L’américanisme imprègne les esprits par le biais d’une propagande robuste. En effet, la domination idéologique est un enjeu majeur de la Guerre Froide.

Les films transmettent également des manières de vivre et des idéaux comportementaux par le biais de l’american way of life. Ce mode de vie « à l’américaine » est promu par de nombreux produits américains. Précédant le Plan Marshall, l’accord Blum-Byrnes en 1946, permet aux français de liquider une grande partie de leur dette.

Mais…

En échange, un quota est imposé aux films américains. C’est-à-dire qu’un quota fixe de films américains par an projetés dans les salles françaises.

Une propagande signée Edward Bernays

Dans la foulée, de nombreux produits de grande consommation se répandent en Europe. Notamment le Coca-Cola, le chewing-gum ou encore les cigarettes. Ces dernières ayant déjà été popularisées par le biais d’une propagande signée Edward Bernays dont je vous parle ensuite.

Il fera également l’objet de ma prochaine conférence !

C’est de cette manière que se crée et se confirme une culture de masse. On parle alors des débuts de la société de consommation de masse.

art culture propagande cigarette

Publicité pour les cigarettes Lucky Strike, « Be Happy Go Lucky », 1950

Celle-ci est d’ailleurs fortement représentée dans l’art contemporain. Vous vous en doutez, c’est le pop art qui assure cette tendance. Il se crée en réaction à l’expressionnisme abstrait, évoqué précédemment.

Les transformations de la société sont toujours un terreau fertile à l’expression et à la création artistique. En effet, les artistes nous parle de leurs époques.  Vous connaissez très certainement le pape du pop art : Andy Warhol.

Le consumérisme dans l’art : l’ambiguïté du Pop art

Avec les Campbell’s Soup Cans Warhol, ne démonte pas les nouveaux modes de consommation mais les montre. En revanche, en les élevant au rang d’oeuvre d’art, il rappelle que la culture désormais c’est la publicité et les grandes surfaces. Il parle ainsi d’uniformisation des comportements.

Ce dont on se doute moins, c’est qu’à contrario, chaque boîte est unique. Il décline soit la police, la taille des caractères ou les ingrédients.

Il y a donc eu un véritable travail de production, un épuisement similaire au travail à la chaine. Warhol disait qu’il voulait être une machine, et il a donc voulu ressentir le travail mécanique, très répétitif.

Ainsi, le travail, certes pop, de Warhol visait plutôt à émettre un constat critique sur la société de consommation. La multitude de boîtes de conserves représentant en fait nos achats nombreux, compulsifs et identiques.

art culture tableau

Andy Warhol – Campbell’s Soup Cans – 1962

L’ère des blockbusters

Après un déclin fortement marqué dans les années 1960-1970, le cinéma Hollywoodien laisse place à l’ère des blockbusters. On l’a vu, la domination américaine sur les écrans n’est pas nouvelle mais elle devient omniprésente, voire absolue. Un rapport de 1998 [2] démontre que les 38 premiers films les plus populaires sont tous américains. Cet absolutisme cinématographique est par ailleurs toujours d’actualité. Sur le top 100 du box-office en France, 55 films sont de production américaine. Le tout premier blockbuster reste encore mythique à ce jour. Il s’agit de la réalisation de Steven Spielberg, Les dents de la mer en 1975.

Cette domination s’expliquerait par une recette délivrée en 2005 par le scénariste Blake Snyder. Save the Cat ! recèlerait de nombreuses règles et recettes du succès au cinéma.

Les secrets de la réussite

Faut-il réellement attribuer la clef des succès du cinéma américain à cet ouvrage ?

Voilà une question qui laisse songeur.

Pour autant, nombreux sont ceux qui, en ayant suivi les règles, ont connu le triomphe. Les 15 points forts que constituent cet ouvrage sont suivis comme une feuille de route. Rétrospectivement, il serait plus probable que le projet de son défunt créateur soit de créer un simple guide.

Néanmoins, le grand écran le suit avidement, y compris les studios Pixar ! Les spécialistes dévoilent même que le film d’animation Monstres Academy suit à la lettre la recette.

Le risque serait ainsi de voir une asphyxie du cinéma, face à la multitude de blockbusters qui suivent ce guide. Toutefois, nous nous apercevons au contraire, que de l’autre côté de l’écran, le public est plus que réceptif.

Mais pour quelle(s) raison(s) les blockbusters plaisent-ils autant ?

Un outil de visionnage précieux

Le succès commercial s’explique par le fait que ces films sont toujours conformes aux attentes d’Hollywood et du public. Il est toujours très réceptif et on aperçoit déjà là une certaine forme de conformisme. Tous les films genrés « blockbuster » plaisent au public.

La présence de postes télévisés grandissante dans les foyers au fil des années 1980-1990 n’a fait qu’endiguer ce processus. Lui-même s’est vu confirmer avec la démocratisation et l’accès à Internet. Le CSA a dû mettre à jour des quotas de diffusion afin de limiter la diffusion de films américains pour promouvoir la culture cinématographique française.

Un tel succès s’explique par le marketing mis en place. Les campagnes de communication et la publicité massive, permettent de renforcer l’engouement des spectateurs.

Propaganda

Le père fondateur du marketing, que j’ai cité plus tôt, est Edward Bernays. Son livre historique Propaganda de 1928, fonde des techniques désormais mondialement utilisées. Il met en valeur l’impact de l’affect et de l’inconscient au service du capitalisme. Son ouvrage permet de comprendre les usages du marketing et leurs effets.

Le conformisme n’est ainsi pas inné mais construit par des mécanismes inconscients. Remarquons que les règles et principes établis subsistent presque 100 ans après leur création!

De telle sorte que la « manipulation des masses » et de leurs opinions sert encore et toujours l’américanisation.

L’american way of life et de fait l’american dream restent toujours des idéaux. L’ouvrage La Fabrication du consentement, d’Edward Bernays et Noam Chomsky de 1988 met en évidence ces principes. Il souligne le fait que les médias de masse restent le moyen de propagande le plus utile et le plus efficace.

art culture livre propaganda

Edward L. Bernays – Propaganda – 1928

L’usage des médias

Les médias véhiculent les messages et ils impriment dans l’esprit des consommateurs une répétition et une acceptation de leur état. La fabrique du consentement est un système de propagande qui dispose d’un pouvoir absolu.

La publicité est au cœur de ce système.

Avec l’entrée dans le 20ème siècle, cette omniprésence est de plus en plus importante. Du siècle de l’objet : le 20ème nous vivons depuis le début du 21ème dans celui de l’image.

L’hyperconsommation est néanmoins plus que jamais une actualité et elle s’opère principalement par le biais des réseaux sociaux. Le flux journalier d’images est estimé à près de 3 milliards dans le monde. Ce chiffre gargantuesque pose question.

En effet, noyer dans ce flux, il devient difficile de faire une sélection efficace et efficiente. Bombardés par les images dominantes, correspondant aux sujets et tendances mainstream du moment, se forger un esprit critique devient un exploit alors que c’est fondamental.

Celui qui en est démuni – celui que j’appelle le « bien pensant » – peut avoir du mal à voir ailleurs que l’image majoritaire qui circule. Libre-court aux idées reçues, aux jugements hâtifs et aux absences de discernement.

C’est ainsi que l’on appauvri la pensée, en même temps que l’on adopte une pensée unique. 

L’ère des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux viennent entériner définitivement ce mode de pensée et de comportement. Conséquence directe, le conformisme se propage viscéralement et réduit l’esprit critique à néant. Le culte du beau et du paraître se développent et la culture du selfie n’aide pas à y voir plus clair.

A ce sujet, je recommande la lecture de l’ouvrage de Marion Zilio, Faceworld publié en 2018.

Les selfies sont popularisés depuis quelques années, notamment grâce à Snapchat développé à partir de 2011 et Instagram lancé en 2010. A la chasse aux likes, les plus créatifs n’hésitent pas à se rendre dans des lieux propices à attirer des likes.

On parle de spots plus ou moins « instagrammables » soit des endroits où les photos seront plus aptes à favoriser la visibilité. Pour 12£ vous pouvez même profiter de 12 lieux uniques et originaux au cœur de Londres dans la Selfie Factory. Cet art de l’égoportrait devient même sujet à une commercialisation.

art culture photo selfie

Selfie Factory

et de la télérealité !

Le phénomène est amplifié par les mentors de cette digitalisation de la vanité : les stars de la télé-réalité.

Les reality show ont vu le jour en 1971 aux Etats-Unis avec l’émission An american family. Le principe est simple : représenter et filmer des familles anonymes dans leur simple quotidien. La réaction ne se fait pas attendre et les programmes, exportés aussi au Royaume-Uni, déclenchent un tollé.

Pour autant en 1987, déjà 37 émissions sont programmées dans le pays fondateur. En France le format se développe grandement avec la médiatisation de Loft Story en 2001.

art culture candidats émission

Candidates de Loft Story – Saison 1 – 2001

La culture de l’égo

Adulés en grande partie par les plus jeunes mais pas exclusivement, leurs comptes Instagram et Snapchat alignent les abonnés. Leurs posts quotidiens alternent entre contenus sponsorisés, selfies en folie et achats de luxe. Ces personnages deviennent de réels influenceurs qui promeuvent les produits de marques plus ou moins sérieuses. Mais surtout plus ou moins qualitatives.

Un regard critique

Ces nombreux shows ont vu leur développement et leur diversification augmenter de manière exponentielle ces dernières années. Les individus, au départ des anonymes, deviennent rapidement des célébrités. Leurs actions constamment filmées et diffusées à l’écran attisent les réactions, du rire à l’agacement mais aussi à l’imitation.

Je pense ici par exemple au célébrissime  » Allo » de Nabilla.

La vacuité des émissions laisse en fait libre court à l’épanchement de l’esprit.

Pour les adolescents, ces programmes semblent outrepasser le conformisme de leur quotidien. Influencés par les règles induites par leurs parents et l’école, ils y retrouvent une certaine liberté. Malheureusement, elle n’est souvent qu’illusion. Les mimiques, les expressions et autres formulations façonnent le comportement des spectateurs.

Bien plus que des émissions, les téléréalités deviennent parfois de réels spectacles d’abrutissement. Il est souvent difficile pour certains de prendre des distances et d’adopter un regard critique. On le remarque en particulier avec le nombre de followers que comptent les candidats sur les réseaux.

Nuançons quelque peu !

Je souhaite cependant nuancer quelque peu mes propos.

En effet, je suis la génération téléréalité. J’étais en 4ème quand Loana a remporté le Loft, aventure que j’ai suivi de A à Z. Aujourd’hui encore, je connais le nom de presque tous les Marseillais et je vais même trainer sur certains de leurs profils Instragram.

Pourquoi?

S’ils déclenchent de nombreuses critiques plus acerbes les unes que les autres ces shows sont aussi divertissants. Personne ne peut nier le fait qu’ils soient très souvent hilarants.

Mais les personnes qui y participent deviennent ensuite de vrais influenceurs via leurs réseaux sociaux. A ce moment là, ils deviennent les ambassadeurs de goûts, de comportements, de valeurs et ceux qui veulent leur ressembler prennent tout pour argent comptant.

Le flux d’images et de messages incessants qu’ils véhiculent amène à construire une pensée unique, appauvrie et totalement dénuée de contenu.

C’est ici, qu’il faut devenir méfiant et aborder les choses avec un regard critique. Le spectateur doit pouvoir prendre conscience et déconstruire les mécanismes qui entourent ce système consensuel.

Ainsi, faut-il faire la différence entre se divertir et s’abrutir.

De réels ambassadeurs de marque

Par ailleurs, certains influenceurs, qui ne sont pas issus des téléréalités, deviennent de réels ambassadeurs de marques. Je pense en particulier à Squeezie, youtubeur, choisit en 2018 pour être l’ambassadeur gaming France de Coca-Cola. D’autres encore profitent de leur notoriété pour créer de réelles collaborations avec des marques de vêtements, de maquillage…

Le principe est simple, s’appuyer sur la communauté d’abonnés sur les diverses plateformes. On fait passer leur état de consommateurs visuels à consommateurs acheteurs. Ce marketing d’influence est extrêmement porteur et lucratif pour les entreprises. On parle ici d’un véritable business! C’est devenu tellement courant que de nombreuses agences d’influenceurs se développent, à l’instar des agences d’acteurs.

art culture squeezie coca

Squeezie ambassadeur gaming 2018 de Coca Cola

Qui sont les stars de la téléréalité ?

Toutefois certains candidats de téléréalité dépassent le statut d’influenceurs pour créer un véritable empire. Je pense tout particulièrement à la famille Kardashian de l’autre côté de l’Atlantique. Elle est la pionnière du genre avec le premier épisode de L’incroyable Famille Kardashian diffusé en 2007. L’émission est très vite propulsée par la révélation de la sextape de Kim, l’aînée. La dernière saison annoncée en septembre 2020 achève un total de 18 saisons.

Aujourd’hui, les sœurs du clan Kardashian-Jenner alignent les millions. La cadette Kylie Jenner est connue planétairement, dépassant jusqu’à sa grande sœur en nombre d’abonnés sur Instagram. Leurs marques de cosmétiques remportent par ailleurs un succès fou.

Elles ont construit et inventé un véritable modèle. Et même si l’on souhaite remettre en cause les moyens, elles forcent le respect et l’admiration car elles ont su s’adapter à leur époque.

instagram kyllie jenner

Un succès également français

Cette réussite s’applique aussi à nos célébrités françaises. Tout particulièrement à Nabilla, connue et reconnue pour son fameux « Non mais allô quoi ?! ». Son personnage a su lui apporter une notoriété aujourd’hui sincère. Il a fallu quelques années pour que le rôle qu’elle semblait jouer s’efface, après un bad buzz en 2014.

Aujourd’hui, la jeune femme, maman et mariée à Thomas Vergara, est une réelle femme d’affaires. Sa marque de cosmétiques Nab cosmetics enchaîne les collections et les succès. La famille expatriée à Dubaï a lancé un réel mouvement de déménagements. Aujourd’hui, la plupart des stars de téléréalité y sont installées.

A la suite de quoi, toute une jeunesse de français, consommateurs de ces programmes s’en vont soudainement passer leurs vacances à Dubaï.

Une histoire d’expatriés

Ce paradis fiscal a entre autres attiré la JLC Family. Jazz, découverte dans l’émission Qui veut épouser mon fils, est mariée à Laurent Correia, pronostiqueur professionnel. Leur vie de famille est un spectacle permanent relayé sur leurs nombreux réseaux sociaux. Leurs enfants âgés de 2 ans et 1 an possèdent chacun un compte Instagram avec des centaines de milliers d’abonnés, et ce avant même qu’ils ne viennent au monde.

Ils ont, comme les Vergara il y a quelques années, leur propre émission de télé, qu’ils tournent actuellement. Diffusée sur TFX, elle dévoile leur quotidien rythmé par des soirées et des virées shopping. On assiste alors à une réelle exhibition de leur richesse. C’est pourquoi aujourd’hui on peut voir des files d’attentes d’un tout nouveau genre devant Louis Vuitton : pour ressembler au dernier post de Nabilla & co.

culture art voiture

Jazz et Laurent Correia

L’art comme signe de richesse

Grâce à leurs fortunes, plus ou moins importantes, les stars de téléréalités peuvent s’offrir des tas d’objets de luxe. Sacs de créateurs, talons à semelles rouges ou voitures de sport, tout est une occasion de se montrer. Dans ce contexte, l’art devient également un moyen pour eux d’exposer leur richesse. Tout comme les grandes fortunes mondiales, du cinéma ou des grandes entreprises.

A la différence que via leur surmédiatisation, ils deviennent de véritables générateurs de nouvelles normes de goûts.

Je pense ici en particulier aux œuvres de Richard Orlinski qui se retrouvent chez les deux familles précédemment citées.  Déjà surnommé « l’artiste des stars » par Paris Match, le sculpteur français n’en est pas à son coup d’essai. En effet, Sharon Stone et Pharell Williams font parti de ses clients de renom.

art culture sculpture

Nabilla Vergara et leur sculpture Kong by Richard Orlinski

A l’image des stars américaines

Les Vergara sont les premiers à se targuer de l’acquisition d’une œuvre signée Orlisnki. Le Vergara Kong attise la curiosité et surtout les critiques. Ils sont vite rattrapés par les Correia qui publient une photo de la même œuvre, avec un coloris différent. On les fustige car Nabilla les accuse d’en posséder une contrefaçon.

Dans la suite logique de leur ascension, ces personnalités s’essaient à des modes de vie de plus en plus clinquants. A l’image des stars du cinéma, elles achètent tout autant des objets de luxe. Petite différence, elles les montrent beaucoup plus.

Et en tentant de se démarquer de leurs confrères, elles se ressemblent toutes. Selfies, shopping à outrance, lieux de vie, voitures de luxe, tout est bon pour se faire voir. L’art entre dorénavant en compte dans ce schéma. A la recherche d’une certaine originalité, les plus médiatisés finissent par être les plus conformes.

Pour conclure

Je vous laisse sur cette citation attribuée à Bernard Werber :

« A force de vouloir rentrer dans le moule [et j’ajouterai, dans n’importe quel moule], on finit par devenir tarte ».

Aussi, je vous invite à rester vigilant aux images que vous croisez et qui vous poussent à adopter une pensée ou un comportement ou encore à consommer et ce, encore plus lorsqu’elles disent servir une noble cause.

En effet, sous prétexte d’être au service d’un monde meilleur c’est d’abord sur vous que tous, dissimulés parfois sous un discours bienpensant, font leurs business lucratifs en vous suggérant d’adopter (pour la bonne cause) un comportement unique.

 

 

[1] Le cinéma américain : un impérialisme culturel ? Nathalie Dupont

[2] Rapport de 1998 à retrouver ici

Leave a Reply